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Sokorritzaileak l’association des traileurs secouristes

Sokorritzaileak

Voici un échange plein de passion autour du trail avec la rencontre du fondateur de Sokorritzaileak : les traileurs secouristes.

Une association qui offre un complément de sécurité sur les courses de montagne.

Thomas le président nous explique pourquoi il a créé cette association, son fonctionnement et ses fondamentaux.

Il nous parle de sécurité avec passion, avec des coups de cœurs, mais également des coups de gueule.

LPT : Pourquoi avoir créé l’association Sokorritzaileak ?

TD : Après 10 ans chez les Sapeurs-Pompiers de Paris, moniteur passionné de secourisme, de montagne et de trail, j’ai décidé d’allier ces passions pour créer Sokorritzaileak en début d’année 2019.

Cela fait très longtemps que je mûris ce projet, suite à plusieurs constats que j’ai pu voir dans ma petite « carrière » de traileur. Le trail c’est top, magique, mais il y a plusieurs facteurs qui peuvent rendre cette discipline dangereuse.

Je souhaite avec Sokorritzaileak promouvoir la culture du secourisme, de la prévention et de la sécurité dans le trail de montagne. 

Le trail devient un phénomène de mode, tout le monde s’y met. C’est bien normal, se retrouver en pleine nature, en altitude, loin de la pollution et des villes, c’est kiffant. L’essayer c’est l’adopter, quand on y vient, on ne repart pas sur le bitume. Mais du coup, cet engouement amène beaucoup de changements dans le monde du trail, qui peuvent engendrer des problèmes.

Sokorritzaileak

Le premier point

Beaucoup de coureurs ne se préparent pas correctement, ignorent bien souvent aussi les dangers liés à cette activité.

Le trail est un sport qui peut s’avérer dangereux surtout en montagne.

Ce n’est pas une simple balade, vous allez mettre votre organisme à rude épreuve. Tous les âges sont représentés, on voit même des traileurs de 70 ans.

À ce propos, au Pays Basque, méfiez-vous toujours du papi, qui a l’air d’être là en touriste avec son béret, le t-shirt de la course et son bâton. Il connait et pratique la montagne depuis plus longtemps que vous, ce sont des tracteurs bi-turbos. Ils vous déposent dans les côtes et font fumer la terre.

Toutes sortes de soucis physiques ou de santé peuvent arriver, de l’entorse au malaise cardiaque. Il n’y a pas forcement d’âge pour se blesser.

Le second point : l’engagement des secours.

Le poste de secours est obligatoire sur tous les trails officiels, mais où se trouvent les équipes? Souvent à l’arrivée, pour les petits parcours, quelques fois en haut sur les plus longs. Mais qu’en est-il dans les singles, qui peuvent faire plusieurs kilomètres de long, s’il arrive un problème ? Combien de temps vont mettre les équipes à intervenir ?

Si l’on rajoute là dessus l’orgueil de chacun, cela complique les choses.

Celui qui s’est entrainé toute l’année pour cet objectif, qui ne se sent pas bien, pousse la machine dans ses derniers retranchements. L’être humain compétiteur, veut toujours se tester, se surpasser, mais beaucoup y laissent des plumes, voir malheureusement plus.

Sokorritzaileak

On ne s’écoute pas, on va au-delà de ses limites et au lieu de demander de l’aide on continue. Le certificat médical est devenu anecdotique. La plupart du temps, un coup de téléphone à son médecin et on l’a. Quand on a un rendez-vous, ce ne sont pas 10 squats et une écoute de cœur qui vont vous permettre de savoir si vous tiendrez bon sur 40 km.

De nombreux pays ne demandent plus de certificats, mais là on rentre dans un autre débat …

Enfin, avec ce phénomène de mode, le nombre de courses se multiplie, les distances augmentent et les dénivelés explosent. Les coureurs passent de 13km d400 à 42km d2800, en très peu de temps, aucune progression, ni entrainements adaptés, c’est tout simplement de l’inconscience.

Si tu prends l’exemple de l’Euskal Trails avec le trail gourmand, cela fait joli comme nom. Tu as l’impression d’aller faire une promenade de santé. Et bien 50km pour D2500 sur 2 jours ce n’est pas « juste » une belle promenade pour quelqu’un qui ne s’entraine pas.

Bref, tu vois bien que tous ces paramètres font du trail un sport, potentiellement dangereux.

Ils sont difficiles à assurer, en termes de secours aux victimes. C’est d’ailleurs le point le plus dur et le plus important à mettre en place par les organisateurs.

Les trails manquent de sécurité, ce n’est que mon humble avis, même si aujourd’hui les accidents se font rare compte tenu du nombre de courses.

Sokorritzaileak

LPT : Comment sont identifiés les traileurs secouristes sur les compétitions ?

TD : Je tiens d’abord à préciser un point important et essentiel, les traileurs secouristes sont tous des bénévoles. Ils sont indépendants du poste de secours officiel, qui lui, a le devoir de moyen.

Nous sommes des traileurs, qui courrons leur trail comme toi et les autres. Nous nous inscrivons seuls comme tout le monde, indépendamment de l’association, nous sommes des électrons libres sur les pentes.

On est formé en secourisme, par n’importe quel organisme de formation, mais on se signale secouriste sur les pistes.

LPT : Pourquoi se signaler ?

TD : Aujourd’hui en trail, quand une personne se sent mal, une grosse majorité (pas assez pour moi) s’arrête pour aider.

Mais quand la personne se sent mal, qu’on ne le voit pas en passant à côté, bien souvent l’orgueil de l’être humain fait que cette personne ne demandera pas d’aide.

Le fait de se signaler secouriste visuellement, permettra à la personne, qui est mal, d’arrêter cette personne formée aux gestes de premiers secours.

Nous sommes simplement un moyen d’attendre les postes secouristes officiels. Un complément officieux prodiguant, si besoin, des gestes d’urgences allant du bandage au massage cardiaque, sur les chemins escarpés, isolés hors des points de ravitaillement ou postes de secours officiels

Sokorritzaileak
J’ai cherché de multiples solutions afin de rendre les secouristes bien visibles.

La meilleure que j’ai trouvée, que ce soit sur des bandeaux, des maillots ou autres en cours de fabrication, c’est une croix rouge, avec un électrocardiogramme toujours sur fond jaunes. Des symboles qui sont visibles de devant, derrière et sur les côtés.

LPT : Que faut-il faire pour devenir traileur secouriste ?

TD : Adhérer à l’association Sokorritzaileak (10 euros). Il y a le bulletin d’adhésion épinglé sur notre page facebook, ou à télécharger sur le blog.

L’adhésion comprend:

  • un bandeau réversible offert
  • un autocollant

Je ne vérifie pas les diplômes de secouristes, nous sommes seulement officieux, donc chacun s’engage secouriste en sa pleine conscience. Le bandeau est réversible car certains membres ne sont pas secouristes, et adhèrent pour soutenir et aider Sokorritzaileak.

LPT : À chacun ses couleurs

TD : J’ai développé une gamme pour les secouristes, et une autre pour nos membres qui soutiennent notre projet. Tout le monde est servi !

Sokorritzaileak

LPT : Quelle est l’attitude à adopter en montagne, pour évoluer en sécurité?

Il y en a beaucoup, ce serait long d’en parler. Cela mériterait un article, à part entière, pour tout développer. Il y a tellement de paramètres qui sont à prendre en compte, que ce soit pour de la randonnée ou le trail.

  • le matos obligatoire,
  • la météo,
  • la condition physique,
  • les horaires,
  • la boisson,
  • de quoi manger, et j’en passe,

Chaque point serait à développer indépendamment.

Si on parle de montagne, comme je te disais c’est dangereux. Ce n’est pas juste prendre une paire de godasse, un sac à dos et go. Pourtant, trop de monde pense que c’est aussi simple que ça.  Les personnes pensent rarement aux changements rapides de météo, aux orages, aux numéros d’urgences en montagne.

On pourrait aussi parler du matos obligatoire en trail, que certains négligent malgré l’obligation. Heureusement beaucoup d’organisations vérifient les sacs avant le départ. Néanmoins, quelques coureurs s’allègent après vérification.

La montagne est complexe et demande des connaissances, il faut écouter les consignes.

Je ne suis pas un expert, mais passionné de montagne, secourisme, prévention, et sécurité. Depuis plusieurs années, je me documente ou j’approfondis mes connaissances sur ces sujets.

J’ai même eu l’occasion de rencontrer des acteurs des secours en montagnes, comme les médecins ou encore les formateurs et intervenants de la gendarmerie.

Il y a tellement à apprendre. Je vis aux pieds des montagnes. Je les ai dans la peau. La montagne, il faut savoir l’écouter et s’en méfier.

Sokorritzaileak

LPT : Que peut-on espérer pour ton association ?

TD : Encore beaucoup de choses, même si aujourd’hui je suis super heureux. J’ai créé cette association il y a 1 an. Aujourd’hui, nous sommes plus de 100 adhérents, dont presque 75% de secouristes.

La route est encore longue. J’ai des projets plein la tête. Dans les milieux associatifs, les mains manquent souvent.

Nous ne sommes qu’au début de cette aventure, qui pourrait devenir encore plus belle. À peine plus d’un an d’existence, et avec les évènements que nous vivons actuellement, il faut être patient.

LPT : Les projets prévus

  • TD : Proposer des initiations, des formations secourismes aux associations organisant les courses,
  • Faire des tutos vidéo de secourisme en montagne,
  • Faire des ateliers pendant les trails pour montrer des modules de secourisme, pour dédramatiser les secours, montrer que c’est facile.
  • Montrer le fonctionnent et l’utilisation du matériel obligatoire en trail. Qui sait poser un strap, une écharpe ? Qui connait vraiment le mode d’emploi et les restrictions des couvertures de survie ? Cela peut vous sauver la vie. Hypoglycémie, l’hyperthermie comment y faire face ?
  • Mettre une puce GPS sur les traileurs secouristes, permettant aux organisateurs de savoir où ils se trouvent sur le parcours. Si quelqu’un arrive à un ravito en signifiant qu’il y a un blessé, l’organisateur en envoyant les secours pourrait savoir si un secouriste n’est pas loin d’arriver sur les lieux. Cela temporiserait et rassurerait tout le monde.

Le plus gros projet que j’avais réussi à monter, mais qui, à cause de la cupidité d’autres associations est tombé à l’eau : les formations. Pourtant, je souhaiterais de tout cœur arriver à recommencer.

LPT : Pourquoi n’est-ce pas possible ?

TD : Je suis moniteur de secourisme depuis plus de 16 ans. J’ai dispensé des formations chez les pompiers, à la Croix Rouge, à la Protection Civile, à la SNSM. Mon association est déclarée, mais je n’ai pas le droit de former officiellement.

La faute à notre drôle de pays, on demande qu’un maximum de personnes soient formées, mais on interdit aux petites association, comme nous de le faire. La seule solution est de faire une convention, avec une association nationale, agréée sécurité civile.

Sokorritzaileak

LPT : Mais tu disais que tu avais réussi ?

TD : Oui effectivement, j’ai fait une formation PSC1 en faisant une convention.

Cette association agréée, est devenue trop gourmande. Je ne pouvais pas suivre. Une formation PSC1 coûte normalement entre 60 et 90 euros selon les associations. Les adhérents repartent avec leur livret.

Mes adhérents, ont déboursé 50 €. Cela inclut en plus de la formation PSC1 :

  • Un petit déjeuner avec produits exclusivement locaux
  • Les apéros
  • Le repas au restaurant
  • Les encas pour les pauses
  • Du matériel pour porter secours en montagne
  • Le livret

Je leur ai fait aussi un module « spécial trail » avec une formation sur les traumatismes épaule, bras, avant-bras, poignet, cheville.

Nous avons parlé également :

  • Hypothermie et hyperthermie,
  • Hypoglycémie,
  • Utilisation de la couverture de survie.

L’association a dégagé 3 € par personne. C’est faisable car je ne me paye pas.

Pour être conventionné, les associations agréées me demandent :

  • Entre 15 et 20 € par personne
  • Une adhésion à leur association (10 à 150 €)
  • Un recyclage formateur de 80 €

Avec 3 formations par an, uniquement pour mes adhérents, je n’ai pas les moyens. Ces associations me voient comme un concurrent, ce que je ne suis pas.

Je voulais aussi proposer des formations aux organisateurs de trails, pour former les personnes aux ravitaillements et aux aiguillages, mais du coup, ça aussi c’est en attente.

Je suis formateur dans mon travail et recyclé formateur SST. Je déploie toute mon énergie à trouver des solutions. Néanmoins, les portes se ferment pour des questions financières ou de reconnaissance. C’est dommage et désespérant, mais je n’ai pas créé Sokorritzaileak pour cela.

Je recherche une association qui peut me venir en aide sans être gourmande et comprendre ma démarche.

Sokorritzaileak

LPT : Donc ton association a déjà bien démarré ?

TD : Oui bien sûr, comme je te disais avec plus de 100 adhérents. 95% sont du Pays Basque.

Je n’ai pas seulement monté une association de secourisme. J’ai créé quelque chose à mon image. Un groupe où tout le monde peut proposer, apporter, échanger. Sokorritzaileak c’est une idée de départ, tout le monde peut proposer ses idées, ses envies, ses opinions (certain l’ont d’ailleurs déjà fait).

Quand on se voit sur les trails, on boit un coup. Les adhérents se contactent pour courir ensemble. Il y a une superbe ambiance. L’état d’esprit est exactement comme je l’espérais ; sérieux mais dans la bonne humeur, à l’image de notre Pays Basque.

Dans mes rêves les plus fous, le bureau a grandi avec une dizaine de personnes. Et pourquoi pas des ambassadeurs en dehors de notre Pays Basque ?

Nous avons des adhérents dans beaucoup de régions de France. Il y en a en Savoie, sur Paris, dans l’Est, Brive, Bordeaux, la Bretagne

Sur les maillots secouristes, le drapeau Basque pourrait être changé par un autre. Après je veux que l’état d’esprit, les ambitions, les idées, le but et les motivations restent toujours les mêmes. Travailler avec le local, comme nos maillots techniques et nos nouveaux bandeaux exclusivement fabriqués ici, est également une condition.

Sokorritzaileak

LPT : As tu ton équivalence en France ou ailleurs?

TD : En réfléchissant à ce projet, j’ai passé des heures à faire des recherches pour savoir si mon idée existait déjà. Je n’ai rien trouvé d’équivalent ou même qui ressemble à Sokorritzaileak, mais je peux me tromper.

LPT : Le but ultime de Sokorritzaileak ?

  • TD : Aider à changer les mentalités, si on peut sauver, ne serais-ce qu’une vie, c’est gagné !
  • Courir sur des trails plus sûrs.
  • Montrer qu’on peut courir ensemble, en pensant à celui d’à côté, tout en courant pour soi.

LPT : Comment est perçue votre initiative ?

TD : À ce jour, j’ai beaucoup échangé sur ce sujet dans mon Pays Basque, dans beaucoup de milieux différents. Souvent l’idée est la bienvenue, il y a de la solidarité ici.

LPT : Un dernier mot ?

TD : Que vous soyez secouriste, traileur, randonneur ou passionné de montagne, n’hésitez pas à nous rejoindre (Plus d’information ici). Un membre de votre famille, un ami ou vous, aura peut-être besoin de secours un jour.

On a besoin de toutes les personnes concernées, celles qui ont des idées, qui veulent aider et celles qui courent.

Votre plus grand adversaire n’est pas la montagne qui se dresse devant vous. C’est vous !

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