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Claire Bannwarth, ultratraileuse hors norme

Claire Bannwarth

Claire Bannwarth, ultratraileuse hors norme

Nous avons eu la chance de rencontrer Claire Bannwarth, après son éclatante victoire sur la Trans Gran Canaria 360 (le site de la course), avec près de 10 heures d’avance sur sa poursuivante.

Cette traileuse atypique, force le respect dans le milieu de l’ultra endurance. Avec un palmarès incroyable, Claire réussit une carrière sportive aboutie, avec peu ou pas de sponsor (topo athlétic). La native de Reims n’a pas la langue dans sa poche. En témoigne, ses croustillants récits d’après courses. La rédaction du P’tit Trailer est donc heureuse, de mettre en lumière une athlète, au mental d’acier.

Le P’tit Trailer : Bonjour Claire, tout d’abord, merci de prendre le temps de répondre à nos questions. Peux-tu te présenter à nos lecteurs ?

Claire Bannwarth : Bonjour Mathieu, oui, bien-sûr, tout d’abord merci à toi pour cette interview !
Je m’appelle donc Claire Bannwarth, je suis une ultra traileuse/runneuse/backyardeuse de 31 ans. J’habite à Huningue, un petit village alsacien, juste à la frontière avec la Suisse et l’Allemagne. Je travaille à Bâle comme actuaire pricing, dans une grande compagnie d’assurance helvète.

Mes débuts

Pour occuper mon temps libre, je cours un peu…voir beaucoup ; ce que j’ai toujours fait depuis ma jeunesse. Dans un premier temps, cela servait juste de sport complémentaire à l’escrime que je pratiquais alors à (petit) haut niveau, puis après comme sport principal et juste loisir dès après mon passage dans la vie professionnelle. Ce n’est que depuis 5 ans, que j’ai commencé à courir en compétition. J’ai débuté tout d’abord par des marathons (beurk, de la route).  Ensuite, je me suis rapidement mis au trail, mais complètement par hasard. En effet, j’ai longtemps vécu en région parisienne, où le plus haut sommet reste le pic de pollution.

Palmarès

J’ai à mon palmarès en 2018 : une 3ème place à l’Ecotrail de Paris et un top 10 à la Transvulcania. En 2019, j’obtiens quelques quasi top 10, sur des épreuves de l’Ultra Trail World Tour (Transgrancanaria, MIUT, Lavaredo), et des victoires sur l’Infernal Trail (120 km) et l’Endurance Trail (105 km) des templiers. C’est aussi fin 2019, que je découvre le format backyard ultra et manque de peu de chiper le Golden Ticket à Kiev où je finis 2ème avec 34 boucles.

Podium

Ma plus belle année

C’est étonnamment 2020, où je signe (enfin!) un top 10 UTWT sur la Hong Kong 100, une 11ème place à la Transgrancanaria, un podium sur un 200 km route dans les Vosges (U2B), trois podiums sur des 100 miles (ultra 01, 100 miles sud de France, ultra Tai Mo Shan), et surtout une très belle 11ème place au scratch (2ème féminine) sur les 315 km de la Swiss Peaks. Cela reste à ce jour ma plus belle course, que ce soit sportivement ou au niveau des paysages. Au niveau backyard, ce fut aussi une année faste, avec 4 courses, où je finis quasi tout le temps, dans le top 3, notamment sur la World Backyard. Là, j’améliore mon record (41 tours, 5ème femme dans le monde).

LPT : Raconte-nous ta rencontre avec l’ultratrail

C.B : Mon premier vrai trail de montagne était l’UT4M Challenge en 2018. On n’est pas encore à proprement parler sur de l’ultra, j’y reviendrais ensuite. C’était en tout cas mon premier contact avec le milieu montagnard ; pour moi qui avais passé ma vie en plaine. J’y allais complètement en touriste, poussée par une amie qui me disait que « tu verras, toi qui aime bien courir, ça va être fun ». Ce ne le fut bien sûr pas (entièrement). Le premier jour, j’y suis même allée en running et en pantalon long, en me disant que ça devrait passer. Grossière erreur ; dès la fin du premier jour, j’ai filé tout droit dans un magasin de sport m’acheter des vraies chaussures de trail et un short … Au final je ne m’en sors pas si mal. Je dois terminer 30ème et 5ème femme. Même si mes cuissots ont mis 2 semaines à s’en remettre, le virus du trail avait germé en moi.

Le virus de la course à pied

L’année suivante je manque de réussir le hold-up du siècle sur l’Ecotrail de Paris, où je mène toute la course, mais me perds à quelques kilomètres de l’arrivée et finis finalement juste 3ème. Je n’aurais alors pas forcément eu ni l’envie ni l’idée de monter tout de suite sur des distances/dénivelés plus importants. Les courses de 6-10h me convenant bien, mais je gagne en mars un dossard pour le Grand Raid de la Réunion via un concours Facebook. Et bon, une “diag”, ça se respecte, donc j’enchaînais vite les trails pour m’y préparer. Je passe finalement en 6 mois de l’Ecotrail (80 km ; 1500 d+) au Grand Raid (165 km ; 9000 d+).

Claire Bannwarth

L’Ut4M Xtrem

Mon premier ultra trail fut donc également l’UT4M, un an après mon premier trail, mais cette fois-ci l’Xtrem, i.e. Les 170 km 13 500d+ d’un coup. Bon, autant te dire que ça s’est mal passé. J’ai quand même réussi à finir. Le scénario fut le même que sur la “diag”. Au final, cela m’a confirmé que j’aimais l’ultra. Cela m’a donné envie de continuer à faire des courses de plus de 100 km.

LPT : Cette année, malgré la crise sanitaire, tu as couru près de 12 000 km, comment fais-tu entre ta vie professionnelle et sportive. Ça doit être une sacrée gestion ?

C.B : Oui, autant te dire que normalement je n’ai pas une minute à moi ! En temps normal, je me lève à 5 h 30 du matin pour aller courir, avant et pour aller au boulot. Puis j’expédie mes réglementaires 8 heures et quelques de boulot (et plein de café …). Dès que c’est fait ; je file à mon club de sport pour un cours de “biking” ou de renforcement musculaire. Puis, je rentre chez moi, toujours en courant. Il est alors 22 h passées. Le temps de manger et de “glandouiller” un peu, on voit finalement qu’il ne reste pas tant de temps pour dormir. Avec le télétravail et tout le reste, cela fait quelques mois que je m’organise différemment bien-sûr. Globalement je continue à courir mes 40 km par jour.

LPT : Est-ce que tu structures ton entraînement ?

C.B : Oui et non.

Le pour

Oui, car j’essaie quand même d’alterner les séances de courses à pied sur le plat, de musculation, le travail de dénivelé, les randos courses…afin de travailler l’ensemble des qualités nécessaires pour performer sur un ultra trail. Je me fixe trois/quatre gros objectifs dans l’année et j’essaie d’utiliser les nombreuses autres courses auxquelles je participe comme entraînements.

Le contre

Non, car je ne suis aucun plan. Je n’ai d’ailleurs pas de coach. A proprement parler, je n’ai jamais un cycle de préparation spécifique pour une course en particulier. Je ne fais jamais de séance de fractionné. Quasiment toutes mes sorties sont en endurance fondamentale. Je me contente finalement de maintenir toute l’année, un haut volume d’entraînement chaque semaine (la borne, y a que ça de vrai!). La seule chose que je fais, quand une course arrive est de me reposer quelques jours avant et les jours d’après.

Claire

LPT : Retour sur la Trans Grancanaria. Raconte-nous ta course.

C.B : Ça faisait deux ans que je revenais chaque année sur l’île pour faire le 130 km. Cette année, j’avais envie de me lancer sur la « grosse ». J’y suis allée un peu en touriste et sans trop savoir à quoi m’attendre, notamment sur la partie « self orientation ». Je n’avais jamais suivi une trace de ma vie. Deux jours avant la course, je n’avais même pas de GPS qui fonctionnait.

Prologue et ferry

La particularité cette année, était ce prologue de 30 km à Tenerife. Il fallait impérativement arriver à temps pour attraper le ferry, qui nous ramenait à Gran Canaria. Il y en avait un soit à 14 h, soit à 18 h. Autrement dit ; 2 stratégies étaient possibles. La première : s’exploser les cuissots, en ayant quand même une chance assez élevée d’arriver à 14 h 05 et de n’avoir que ses yeux pour pleurer en voyant s’éloigner le ferry depuis le quai. La deuxième : partir “tranquillou” et de boucler les 30 premiers kilomètres, en mode randonnée du dimanche avec papi et mamie.

La décision victorieuse

J’ai donc choisi de prendre des risques et fait la première partie à bloc. Ce fut assez épique, je me suis perdue plusieurs fois. J’ai dû sprinter comme une malade sur les 10 derniers kilomètres. Au final, j’arrive à 13h58 (chaud!) et je peux prendre le premier ferry ! J’étais la seule femme à bord, accompagnée par seulement une petite quinzaine de coureurs. Donc je savais que j’avais une avance confortable qu’il me suffirait de gérer.

Claire
Course et cactus

C’est donc assez décontractée, que j’enchaîne les 210 km restants sur Gran Canaria. J’ai alors perdu énormément de temps à me perdr. Ensuite, les conditions furent assez rudes, avec notamment des rafales de vent à plus de 70 km/h la seconde nuit, des températures fraîches et de la pluie soutenue pendant plusieurs heures. Sans compter le fait que l’organisateur a pris un malin plaisir, à nous faire passer dans des endroits improbables ou au beau milieu des cactus. J’y fus pour quelques descentes sur les fesses et quelques séances d’escalade.

En difficulté

Au final, le plus dur pour moi fut l’orientation. A un moment, je me suis totalement perdue pendant plus d’une heure. J’étais en quasi hypothermie au milieu de nulle part, dans la nuit et sous la pluie… J’ai même hésité à appeler l’organisation à l’aide, pour qu’ils viennent me chercher. Heureusement, je finis par retrouver mon chemin. A part cette frayeur, tout s’est très bien passé…

LPT : Avais-tu un objectif de classement ?

C.B : C’est la première fois que je fais une course, en étant livrée à moi-même, sur autant de kilomètres. Il n’y a pas de balisage ni de ravitos, juste 5 bases de vie sur toute la course, espacées en moyenne d’une quarantaine de kilomètres.

Finir

Donc finir était mon principal objectif. De toute manière sur de l’ultra, et à fortiori sur des courses aussi longues, finir n’est jamais un acquis.

Le podium

Je mentirais cependant si je niais avoir eu en tête, avant la course de pouvoir prétendre à un top 10. Cependant, je me rends compte maintenant à quel point cet objectif était ambitieux vu mon inexpérience. La 360 est vraiment une course à part. C’est d’ailleurs plus une aventure qu’une course. On ne peut vraiment se rendre compte de ce que c’est qu’en la faisant.

LPT : Tes « ravitos » sur la Trans Gran Canaria, ont été gargantuesques à lire ton compte-rendu. As-tu des problèmes gastriques en course ?

C.B : Non, j’ai la chance d’avoir un estomac en “béton armé”. Je peux ingurgiter en peu de temps, tout ce qui me passe sous la main : sucré, salé. Une gorgée de Volvic, “un mars, et ça repart !”

Claire Bannwarth

LPT : En un peu moins de 5 ans sur le circuit, tu as déjà pas mal baroudé. Y a-t-il d’autres courses qui te font rêver ?

Claire Bannwarth : Après la Swiss Peaks, j’ai très envie de faire le Tor des géants et ensuite des glaciers, si tout se passe bien. La Big’s backyard ultra est également un de mes rêves.

LPT : Nous avons appris que tu allais signer avec un sponsor. Peux-tu nous en parler ?

C.B : Oui, j’ai été contacté par deux marques de textile en rentrant des Canaries. J’ai choisi d’intégrer la Team Brubeck (consulter le site de la marque). Je pourrais dire que c’est parce que leurs vêtements sont fabriqués en Union Européenne (lire ici), que c’est une marque éco responsable…bla bla bla. En fait, je dirais surtout que c’est parce que leurs vêtements sont d’une technicité et d’une qualité à tout épreuve. Quand comme moi, tu pars sur des courses où tu vas devoir courir dans toutes les conditions possibles pendant plusieurs jours, tu veux juste avoir le top du top. J’ai également pu avoir un soutien de Go’Lum et tester leur frontale Piom+2. Ce petit bijou risque fort de m’accompagner sur toutes mes prochaines aventures, avec ou sans dossard.

LPT : As-tu des conseils à donner à nos lecteurs qui souhaitent comme toi, performer et se faire plaisir ?

C.B : Oui, je leur conseillerais de mettre l’accent sur « se faire plaisir », car c’est une condition nécessaire, mais malheureusement pas suffisante, pour performer. Mais si le plaisir est là, l’essentiel est atteint.

Claire Bannewarth

Itw ping pong

  • Un ultratrail : la Swiss Peaks
  • Un animal : le ragondin, c’est moche et ça court vite, comme moi
  • Ton pays préféré : Hong Kong
  • Un film : Pulp Fiction
  • Ta qualité : Têtue
  • Ton défaut : Têtue
  • Un péché mignon : Une bonne baguette de pain
  • Une bière : Karmeliet triple, le reste c’est pour les faibles

Toute la rédaction se joint à moi pour te remercier de ces confidences. Nous ne manquerons pas de te suivre dans tes futurs exploits.

Les ITW de la rédaction

À propos de MATHIEU JESEQUEL

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